Devant
cette mer immense et grise, devant ces îles allongées dans leur platitude
modeste comme pour ne pas déranger l’horizon, devant ces nuages irrésistibles
tout à leur course immuable, devant ces pierres assemblées et blanchies en
tentatives de maisons, minuscules spectatrices qu’un théâtre s’est donné à
lui-même, je voudrais avoir les yeux, la peau, l’ouïe, le nez , la langue,
le ventre et l’esprit pour capter les infimes vibrations du vent, le crissement
du galet qui quitte la falaise, la solitude unique du regard caché derrière la
fenêtre, le camaïeu des bleus des
morceaux de nuit entre les étoiles, des bleus des yeux des nouveaux nés, je
voudrais aimer tous les parfums par-delà les murs des jardins, toucher sur ma
peau la meurtrissure des liens qui unissent la poussière au sentier, sentir
passer dans ma gorge comme miens tous les cris de l’univers, je voudrais
accepter le poids des choses, le poids des êtres, le poids des faits, accepter
les pulsions des désirs, les fulgurances des pensées, les besoins des âmes, des
corps et des cailloux, enfin, je voudrais, dans les remous du fleuve du temps,
dans le vide entre les instants, plonger tout entier et ressortir, comme au
premier souffle du monde, sur les îles nées de ma liberté.
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