dimanche 12 novembre 2017

Méditation devant la mer



    Devant cette mer immense et grise, devant ces îles allongées dans leur platitude modeste comme pour ne pas déranger l’horizon, devant ces nuages irrésistibles tout à leur course immuable, devant ces pierres assemblées et blanchies en tentatives de maisons, minuscules spectatrices qu’un théâtre s’est donné à lui-même, je voudrais avoir les yeux, la peau, l’ouïe, le nez , la langue, le ventre et l’esprit pour capter les infimes vibrations du vent, le crissement du galet qui quitte la falaise, la solitude unique du regard caché derrière la fenêtre, le camaïeu des bleus  des morceaux de nuit entre les étoiles, des bleus des yeux des nouveaux nés, je voudrais aimer tous les parfums par-delà les murs des jardins, toucher sur ma peau la meurtrissure des liens qui unissent la poussière au sentier, sentir passer dans ma gorge comme miens tous les cris de l’univers, je voudrais accepter le poids des choses, le poids des êtres, le poids des faits, accepter les pulsions des désirs, les fulgurances des pensées, les besoins des âmes, des corps et des cailloux, enfin, je voudrais, dans les remous du fleuve du temps, dans le vide entre les instants, plonger tout entier et ressortir, comme au premier souffle du monde, sur les îles nées de ma liberté.