vendredi 23 février 2018

Stupides serpents



       
Stupides serpents


Dans les temps reculés, les sages animaux
Pour une cause obscure avaient privé de mots
Au grand conseil des bois, les reptiles déments
Qu’ils avaient surnommés les « Stupides serpents ».

Vipères, couleuvres, aspics et cætera
Sans voix au chapitre continuèrent tout bas
Dans les vallons obscurs leurs rites primitifs
Refusant leur destin comme définitif.

Voilà qu’un triste jour, la roue de la fortune
Remit sur le devant toutes leurs vieilles lunes.

C’est par un grand malheur que l’affaire commença.
Un immense incendie aux alentours des bois
S’ajoutant à la guerre ravagea les contrées,
Chassant hors de leur toit grand moultes réfugiés.

Les langues de vipères aboyèrent d’abord
« Tous ces sales intrus vite par-dessus bord ! »
Criaient-elles à tue-tête dans toutes les clairières
Montrant leur vilenie sans faire de manières.

Aspics et cobras y allèrent ensuite
De leurs crocs venimeux, donnant la mort très vite
A tous ceux qui n’étaient pas natifs de nos terres.
Quelle funeste erreur fut-ce de laisser faire

Et d’oublier ainsi la morale des cieux !
Car vint bientôt le tour des trop laids, des trop vieux.
Tous ceux qui par hasard déplurent aux reptiles
N’eurent même pas le temps d’écrire un codicille.

Comment, me direz-vous, de cette lourde histoire
Les animaux enfin lavèrent leur mémoire ?

Eh bien, je vous le dis, ils durent leur salut
Aux putois, musaraignes et à tous ceux qui puent.
Qui puent mais ne répugnent à manger du serpent
En préservant ainsi les réflexes d’antan.

Or ils étaient nombreux à venir d’outre-bois.
Ce sont leurs survivants qui ouvrirent la voie.
Beaucoup se sacrifièrent, des sans-nom, des sans gloire
Mais c’est pourtant ceux-là qui firent la victoire.

Les « Stupides serpents » dans la nuit repartirent.
On put alors entendre de nouveau des rires.
Partout il fut gravé afin que tous le voient
« Plus jamais de S.s. au grand conseil des bois ».